LES SEHRBUNDT

L'histoire d'une famille : des Goths aux Prussiens

Par Hans-Joachim Sehrbundt

1. L'époque de l'immigration

Quand on essaie d'avoir une vue d'ensemble sur le passé d'une famille et d'en résumer l'histoire, on s'aperçoit vite de la difficulté d'obtenir des informations et du manque de leur clarté.

Ce moment flou dans la reconstitution de l'histoire, seul le généalogue peut le définir : c'est lorsque les sources de documents et d'informations deviennent rares, qu'il faut s'arrêter et non lorsqu'elles sont taries.

Notre documentation relative à ce sujet et fournie par des chercheurs semble remonter à l'époque de l'immigration des peuples.

L'histoire de notre famille commence au crépuscule de l'immigration des peuples germaniques. Dans la nébulosité de l'histoire se dessinent les premières traces des Goths de l'Est ou Ostrogoths par l'envahissement de l'Italie.

Après avoir occupé l'Italie, Theoderich (451-526) Roi des Goths et fondateur de la monarchie ostrogothe assura ses frontières par l'établissement de colonnies au Nord et proposa l'asile aux populations germaniques qui lui demandèrent de l'aide.

C'est dans les Alpes, au passage des grands cols et aux points stratégiques les plus importants que des lieux de refuge furent érigés, que des domaines et terres furent donnés en fief et que des villes furent fondées.

2. Bormio et les De Sermondi


Armoiries de la famille De Sermondi

Parmi les villes fondées par les Ostrogoths, on trouve Bormio, où un domaine comportant des bains fut fieffé à la famille Sermondi/Sermundis. Les thermes de Bormio étaient déjà connus de Pline l'Ancien (29-79), naturaliste et écrivain latin et plus tard de Cassiodore lui aussi écrivain latin et homme d'Etat sous le règne de Theoderic.

La preuve de cette historicité a été démontrée par Ch. Gr. Brügger dans son récit « les thermes de Bormio » (1869). C'est avec beaucoup d'engagement et parfois de l'émotion que l'auteur explique le tracé de cette histoire.

Bormio avait une importante position stratégique, c'était la clé vers la province. La ville possédait des fiefs où seuls des défenseurs confirmés étaient désirés.

On y trouve encore aujourd'hui des restes de vestiges, témoignage de l'arrivée des Wisigoths ou Goths de l'Ouest, qui autrefois vinrent s'installer dans les vallées de l'Adda.

Les thermes et la plupart des terres agricoles de Bormio appartinrent à la famille de Sermondi jusqu'au 16ème siècle. On pense que c'est à l'époque de la Réforme qu'une partie des domaines des De Sermondi leur fut confisquée. C'est plus tard en 1859 que la commune de Bormio, possesseur des biens restants, les vendit à la « Bernina » société par actions du canton suisse de Graubünden.

Les disciples de la Réforme et de l'Antiréforme étaient en partie des Italiens d'origine, qui ne manifestaient aucune agitation conséquente. Les troubles étaient plutôt semés au-delà des vallées.

C'est pendant la 1ère guerre de religion (1525-1526) et plus tard pendant la 2ème (1531-1532) que la Valteline fut prise par le canton de Graubünden.

Les Réformés de ce canton rendirent la vie pénible aux catholiques de la Valteline en particulier au clergé. Les habitants furent tourmentés et lésés par la force. Les Réformés devinrent les maîtres de la région et furent sur tous les points autoritaires.

L'administration en Valteline connut la corruption, même à l'ordre du jour. Les catholiques y étant domiciliés depuis de longue date furent désavantagés et maltraités.

Une réprobation directe et énergique de la part de l'Etat échoua, elle fut inefficace, décentralisée et faible parce que le commandement de la riposte fut donné à un corps militaire étranger à la cause, par conséquent, l'attaque fut sans but voire mal menée.

Les ecclésiastiques et la noblesse domiciliés en Valteline et propriétaires de la plus grande partie des domaines s'opposèrent fermement aux autorités et ainsi incitèrent à la révolte les petits propriétaires terriens, qui représentaient la 3ème classe sociale. Les paysans les plus pauvres connurent vite l'expropriation.

Les Sermondi faisaient partie d'une famille noble, donc ils appartenaient à la 2ème classe sociale, la noblesse.

C'est à Milan, sur la liste nécrologique des Capucins que l'on trouve le nom du Père François de Bormio parmi les noms de religieux ayant appartenu à des familles nobles. Père François portait aussi le nom de « Sermondi dei bagni » ce qui signifie textuellement « Sermond des bains »

C'est à partir de 1315 que la famille de Sermondi est apparue à Bormio. Elle serait originaire de Sondrio, un village voisin.

Si quelques terres de la famille Sermondi furent expropriées vers 1530, une bonne partie des biens resta encore et pendant plusieurs siècles en sa possession. C'est ainsi que les thermes furent très tôt cédés à la commune de Bormio.

Malgré tout, Antoine de Sermondi, le père de François fut un grand propriétaire terrien.
Il possédait encore une partie de son domaine, ce qui lui permit d'être également aubergiste.
Cela est bien probable puisque l'on sait que Bormio était un lieu de passage très important pour ceux qui se dirigeaient vers le nord. De plus à l'époque, les auberges-relais accueillaient les voyageurs qui arrivaient en carrosse accompagnés de leurs valets, femmes de chambre et gens de compagnie.
Seuls les riches propriétaires terriens pouvaient se permettre de posséder un relais, puisqu'on y trouvait non seulement une auberge, mais aussi une écurie, une grange, un hangar, une brasserie, un abattoir… N. Ohler décrit bien le sujet dans son ouvrage « Voyages au Moyen-Age » paru chez Artemis & Winkler (2002)

Antoine de Sermondi fit baptiser son fils sous ce même prénom, mais la date de naissance et baptême est malheureusement inconnue. On pense que le Père François serait né vers 1515.
On ne connaît pas non plus la date exacte de naissance d'Antoine qui se situe entre 1470 et 1480, des mémoires concernant ces personnages n'ont pas été retrouvés.
On peut découvrir d'autres dates concernant leurs vies ainsi que des faits littéraires dans l'œuvre de M. Künzle « Père François de Bormio » ou bien dans les archives de l'Ordre des Capucins à Lausanne.

Il faut souligner tout particulièrement la vigueur du Père François dans sa croyance. Pour ses frères capucins et les hommes qui connurent une époque de troubles, une guerre de religions, il était le feu de lumière, le rocher au milieu du ressac. En Valteline, il affronta la légèreté de certains ecclésiastiques, leur puritanisme et leur orthodoxie. L'immoralité de nombreux religieux était si scandaleuse que l'Evêque et Nonce Bonhomini, dans un de ses compte-rendus au Cardinal Maffeo rapporta qu'un loup ne serait pas si effrayant que ces prêtres-là.

Le Père François fut un fidèle ami de Saint-Charles Borromée, Cardinal et Archevêque de Milan. Il fut aussi le conseiller et homme de confiance de l'Evêque Bonhomini.

Il mourut sanctifié en 1583.

D'avantages d'informations sur le sujet sont à lire sous le chapitre intitulé « Antoine de Sermondi, Père François de Bormio »

Camenisch a écrit un ouvrage sur l'histoire de la Réforme et l'Antiréforme (Bischofberger & Co, Chur 1950), où apparaît le nom de Gabriel Sermundus, prêtre de Tresivio en Valteline.
L'auteur le décrit comme étant resté fidèle à l'Eglise à une époque de troubles causés par la Réforme.

Le village de Tresivio se trouvant à quelques kilomètres de Bormio, on peut en conclure que Gabriel fut un parent des Sermondi.

Durant la Réforme, les vallées du canton de Graubünden et la Valteline furent envahies par les réformés qui fuyaient le Nord de l'Italie. Certains continuèrent leur route plus au nord, d'autres s'installèrent et tourmentèrent les catholiques qui étaient restés dans leur région.
C'est également dans ces vallées que se réfugièrent les derniers anabaptistes pourchassés de Zurich. Parmi eux, il y aurait eu au moins un membre de la famille Sermondi, mais on ignore de quelle lignée. Ce parent éloigné parvint à s'enfuir en Moravie pour rejoindre les condisciples de Hutter, fondateur de l'anabaptisme. Les frères moraves colonisèrent cette région entre la Bohême et la Slovaquie.

Les réfugiés réformés qui suivaient divers courants de la Réforme essayèrent d'imposer leurs idées et leur conviction dans leurs « nouvelles régions d'accueil ». Ils saccagèrent des lieux de culture, détruisirent des œuvres artistiques, des peintures… Cela devint pour les catholiques si insoutenable que certains préférèrent quitter leur région.
(C.Bonorand « l'émigration causée par la Réforme : de l'Italie vers les trois cantons » Chur 2000)

Après la capitulation de Milan en 1639, les autorités relâchèrent leur prise sur la Valteline et la pression s'affaiblit. Néanmoins, cette région ne connut pas pour autant de répit, puisque les conflits entre réformés et antiréformés étaient à l'ordre du jour : assassinats, exécutions sur le bûcher et bains de sang étaient l'exemple même de cruauté. Alors, la Valteline avec Bormio décida de se séparer du canton de Graubünden et instaura son propre gouvernement.
Plusieurs tentatives de reconquêtes échouèrent et les réformés fuirent en masse vers la Confédération.

Durant cette époque de troubles, la population restée dans la région souffrit de la famine et d'épidémies de peste. Les maisons furent détruites, les récoltes saccagées, les troupeaux abattus et le pillage par les vagabonds prit de l'ampleur dans les campagnes.

L'hiver 1622/1623 fut très rude, la famine et la misère firent rage provoquant la mort de nombreux citoyens. Les épidémies furent désastreuses cet hiver-là qu'on ne pouvait creuser les tombes aussi vite que les gens mouraient. (voir ouvrage de F. Pieth « histoire du canton de Graubünden » 1945)

Dans ces circonstances, il est possible qu'une grande partie de la famille Sermondi ait quitté la région pour aller s'installer à Ober-Olm en Rhénanie.

François Sermond, le fondeur de cloches de Berne et disciple de la Réforme fut un grand représentant de cette famille. Il vécut à peu près à la même époque que son célèbre parent, le Père François.

A ce propos, les registres ecclésiastiques de la ville de Berne sont très intéressants. En effet, le patronyme Sermond/Sermund est souvent orthographié avec dt. Dans les registres de la ville d'Ober-Olm en Allemagne, on trouve plusieurs variantes du patronyme Serbond, parfois avec d ou t, mais jamais avec dt. Toutefois, dans un document administratif, le nom du Maire d'un village est écrit Serbondt. (D'après les archives de la ville de Darmstadt, 1736)

Quand notre ancêtre, Johann-Peter Serbond se maria à Quedlinburg en 1737, son nom fut inscrit Sehrbundt dans le registre des mariages. (Archives de la ville de Berlin)
Cependant, l'orthographe du patronyme (avec d ou t) est variée jusqu'en 1900, date à laquelle la graphie du nom s'écrit définitivement avec dt. On explique ce fait à la suite de l'erreur commise par un employé de mairie en inscrivant le nom de Kurt Sehrbunt avec dt dans le registre de l'état civil. Toutefois, en preuve de vérité, nous possédons une tasse à moka avec l'inscription « Curt Sehrbunt » ayant appartenu à une tante qui ne connaissait pas cette anecdote.

Sur trois certificats de décès survenus à Quedlinburg en 1835, on peut lire le nom de famille Seerbund. Ici aussi, l'erreur commise par un employé de mairie est bien probable.

A partir de l'an 887 et ce, pendant 700 ans, l'Evêché de Chur en Suisse fut sous les ordres de l'Archevêché de Mayence. Il fut d'usage que les évêques portent des noms allemands. (P.C. Hartmann " Kurmainz" 1998)

C'est grâce à l'intervention écrite de l'Evêque de Chur que la plupart des Sermund/Sermond ait pu prendre la route pour la région de Kurmainz (aujourd'hui la Rhénanie-Hesse) et de là vers la ville d'Ober-Olm.

Comme déjà souligné un peu plus haut, la situation dramatique des catholiques due aux conséquences d'un hiver rude et désastreux contraignit plusieurs membres de la famille Sermondi à quitter leur région natale. Ainsi, le Père François (Antoine de Sermondi) ne fut pas seulement connu comme le fondateur de l'Ordre des Capucins suisses, mais il fut aussi influent auprès des membres de sa famille : il sut les conseiller et les diriger vers leur nouvelle région d'accueil.

3. Kurmainz et Ober-Olm

C'est dans un registre ecclésiastique d'Ober-Olm en Rhénanie, qu'Anton Serbond apparaît soudainement. Très vite, sa famille posséda des terres et des domaines. Un fils d'Anton, Christian devint Maire-adjoint.

Comme Rettinger le fait remarquer dans son ouvrage « les environs de la ville de Mayence et sa population du 17ème au 19ème siècle », le prénom Anton (Antonius) était peu répandu dans la région d'Ober-Olm. Cela s'explique par l'arrivée, à l'époque, de beaucoup de ressortissants de la Valteline et du canton de Graubünden. C'est ainsi qu'à Essenheim, à 4 km d'Ober-Olm, on trouve encore aujourd'hui de nombreuses familles d'origine suisse.

D'après nos données informatiques, nous savons qu'un certain parent des Serbond, Josef Sermont (1712) aurait vécu peu de temps à Ober-Olm et aurait été enregistré dans les livres ecclésiastiques comme maçon de nationalité italienne.

Cependant, dans la famille Sermondi, le prénom Antonius était fréquent. On pense qu'il y a un rapport avec St-Antoine, qui vers l'an 470 séjourna à Bormio et qui lors d'une zootomie furieuse offrit ses prières et louanges. C'est ainsi qu'en donnant le prénom du saint-homme à un fils, on se sentait autant sous sa protection que dans sa patrie délaissée.

Néanmoins, la région de Kurmainz ne fut pas pour autant un lieu de paix après la guerre de Trente-Ans. (« Chronique de la commune d'Ober-Olm » par le curé Johannes May 1907)
Des guerriers parcourant la région massacraient et détruisaient : c'est ainsi que plusieurs maisons des Serbond furent incendiées.

Lorsque les troupes espagnoles venues soutenir les catholiques parcoururent le pays, comme ils le firent aussi en Valteline, les Serbond reprirent confiance. Ainsi, certains membres de la famille s'en allèrent s'installer aux Pays-Bas, notamment à Zaltbommel où le patronyme van Sermond est très répandu.
Des recherches aux alentours de Zaltbommel ont été entreprises et demandent à être plus amplement étudiées, car un réel lien de parenté n'a pas encore été justifié.

Plus tard, c'est à Ober-Olm en 1737 que l'on découvre Johann-Peter Serbundt, militaire d'Infanterie. La même année, alors que son régiment se déplacera à Quedlinburg, son nom sera inscrit aux registres des mariages.

Comment et pourquoi Johann-Peter s'engagea-t-il dans l'armée prussienne ?

La réponse à cette question fera l'objet de prochaines études, ainsi que le fait que les Serbond aient disparu d'Ober-Olm aussi vite qu'ils soient arrivés.

Des expatriations outre-mer n'ont pas été vérifiées mais ne sont pas pour autant à négliger. Il est probable aussi de trouver des familles au lien de parenté éloigné aux Pays-Bas ou dans la région de Hanovre, où des patronymes à orthographe similaire sont très nombreux. La preuve de ces cohérences reste encore à être démontrée.

4- Nouvelle vie à Quedlinburg

Le fantassin Johann-Peter Sehrbundt (que l'on nommera JPS)

En ce qui concerne le fantassin JPS, deux dates de naissance apparaissent dans les registres ecclésiastiques d'Ober-Olm (1715 et 1719)

Nous ne voulons pas croire qu'il s'agisse de deux personnes différentes portant le même nom et prénom, mais plutôt d'une erreur humaine commise lors de l'inscription, sachant qu'à l'époque lesdits registres étaient mal tenus.

Petit garçon, Johann-Peter connut très vite les diverses facettes de la guerre survenue dans sa région et fut vite persuadé que seuls les soldats pouvaient remettre de l'ordre dans ce monde.

Sans qu'on en connaisse la véritable raison (son père Maire-adjoint étant financièrement aisé), il quitta le domicile parental pour rejoindre les Prussiens.
Sa route le mena à Francfort où une garnison prussienne était stationnée. Mais là, il réalisa vite que les méthodes de recrutement par les officiers et sous-officiers étaient injustes et il devint une de leurs victimes.

A Berlin, il suivit la dure formation de fantassin. Puis à Halberstadt, où la garnison du 21ème régiment d'Infanterie était stationnée, il connut la formation de « la répule », méthode que les sous-officiers employaient pour « éduquer les recrutés » : les jeunes soldats étaient battus de façon épouvantable à l'aide d'une palette en bois.
A ce propos, il existe de nombreux récits. Aujourd'hui, ces mesures de discipline seraient inacceptables.

Il se retrouva plus tard à Quedlinburg dans le 2ème bataillon. D'après ce que l'on sait sur la condition physique des soldats de l'époque, on en conclut qu'il ne fut pas une personne frêle et petite, sinon il aurait été proscrit dans un régiment de dernière classe. A l'époque, le simple soldat devait avoir un travail neuf mois dans l'année pour subvenir à ses besoins, car il n'était au service de l'armée que durant les trois mois de l'été.
Dans le civil, il devait toujours porter un vêtement militaire, sous risque d'être considéré comme déserteur.

Durant les mois hors de l'armée, le chef de compagnie touchait une solde, alors que le simple soldat n'avait rien. Jusqu'au grade de capitaine, les officiers de l'armée prussienne étaient vraiment de « pauvres diables. »

JPS ne fut pas promu à une grande carrière militaire. Cela s'explique par le fait que le soldat gradé devait rester toute l'année au régiment, il n'avait jamais de congé et pour les obsèques d'un de ses parents, il avait le droit de s'absenter quelques jours qu'après avoir obtenu l'autorisation du roi. Sous ces conditions, une vie de famille était inimaginable.

Ainsi, pendant son cantonnement Johann-Peter rencontra Anna Margarethe Ritter, la fille d'un maître-cordonnier. La jeune fille appartenait à une famille d'artisans installée depuis le 14ème siècle à Quedlinburg.

Johann-Peter et Anna Margarethe se marièrent en 1737. Ce ne fut pas un mariage forcé, puisque leur premier fils naquit en décembre 1740 et fut baptisé la même année en l'église St Nicolas de Quedlinburg.
Johann-Peter travaillait durant les mois de civil dans l'atelier de son beau-père. Les cordonniers de Quedlinburg étaient tous réunis dans la même rue, « Schuhhof », toute proche de la mairie. Aujourd'hui encore, on peut voir la maison qu'occupa la corporation du cordonnier Ritter.
Plus tard, c'est un autre fils de Johann-Peter, Christian qui reprit l'affaire de famille.

Le mariage de JPS fut apprécié par ses supérieurs militaires, car les pères de famille ne risquaient pas de déserter. A l'époque, les déserteurs étaient nombreux dans l'armée prussienne, comme dans les autres armées d'ailleurs.

En 2001, lors de travaux de restauration dans l'église St Nicolas, on retrouva dans une niche latérale les fonts baptismaux, où plusieurs générations de la famille Sehrbundt furent baptisées. Ces fonts baptismaux avaient disparus lors de la terrible crue du fleuve Bode en décembre 1740.

Peu après la naissance de son premier fils, JPS partit au front pendant la 1ère guerre de Silésie en 1741. Il prit part également aux combats de la 2ème guerre de Silésie et de la guerre de Sept-Ans (1756-1763)

Entre-temps naquirent trois filles, qui elles aussi furent baptisées en l'église St Nicolas. C'est en 1756 que JPS obtint le droit civil de la ville de Quedlinburg. A ce propos, il existe un certificat prouvant bien sa provenance d'Ober-Ulm (comme on l'écrivait autrefois)

En 1763, notre aïeul perdit son épouse et deux de ses filles atteintes de fièvre infectieuse. Cette année-là, il se trouvait au front et cette tragique perte dut être pour lui une épreuve insurmontable. Mais, on pense qu'il tomba au combat le 20 novembre 1759, lors de la bataille de Kunovice (Pologne), où le 21ème Régiment d'Infanterie et les autres troupes prussiennes de Frédéric le Grand furent vaincus par les Autrichiens et les Russes. S'il ne mourut pas au front, JPS fit partie des 13 741 prisonniers des Autrichiens.

Toutes les recherches concernant la fin de sa vie n'aboutissent à rien. D'autres démarches seraient toutefois nécessaires. On peut imaginer qu'il aurait décidé de quitter Quedlinburg et se serait remarié s'il avait survécu à la guerre de Sept-Ans. Bien sûr, tout cela n'est que supposition.

Néanmoins, tous ses descendants, cordonniers, tisserands et plus tard jardiniers restèrent domiciliés à Quedlinburg. Le plus connu d'entre eux est Karl-Friedrich Sehrbunt, qui se montra être un admirable inspecteur au sein de la société Dippe mondialement connue spécialisée dans la culture de semences. Ce poste de nos jours est équivalent à celui de P.D.G. Cette société avait à l'époque la dimension d'un consortium, dont les bâtiments aujourd'hui restants ne représentent qu'une frêle image. Elle fut à son époque la société de culture de semences la plus grande et la plus moderne du monde entier. Notre aïeul Karl-Friedrich y travailla sans interruption pendant 63 ans. (G. Röbbelen, lexique de la culture des plantes, 2002)

Ce passage de la vie de notre aïeul est d'ailleurs relaté dans un autre chapitre.

Dans les annuaires de Quedlinburg des années 1950/51, Elise Sehrbund est la dernière personne portant ce patronyme et à avoir vécu dans cette ville. D'ailleurs, on peut encore y voir sa maison.

C'est à cette date précise que la lignée de notre famille de Quedlinburg s'arrête. Grâce à Karl-Friedrich, nous possédons un acte de famille et la reproduction des armoiries qu'il fit faire par le typographe Müller.

N'oublions pas que l'église St Nicolas eut une place importante dans la vie de nos ancêtres, puisqu'elle fut témoin de tous les baptêmes, tous les mariages et ainsi que de toutes les obsèques des Sehrbundt de Quedlinburg.

A Quedlinburg, comme à Bormio et à Ober-Olm, les Sehrbunt n'existent plus. Leurs tombes ont disparues, mais pas leur mémoire que leurs descendants s'efforcent chaque jour de refaire vivre.

5- Réflexion finale

Comme nous l'avons déjà précisé dans un autre chapitre, il existe plusieurs variantes du patronyme Sehrbundt parsemé dans différentes régions, que les peuples Goths parcoururent.

L'immigration des Wisigoths ou Ostrogoths n'est pas comparable avec celle que nos aïeux ont connue en 1945 et plus tard. Il s'agissait alors de peuples nomades qui s'installaient provisoirement. Certains repartaient, d'autres restaient en s'adaptant aux circonstances. (M. Todd a écrit un ouvrage à ce propos)

L'immigration d'autrefois n'était pas le mouvement d'un cas homogène et isolé. Une petite minorité se désunissait du peuple des Goths et cherchait à rejoindre d'autres peuplades. Ainsi, on ne peut pas parler uniformément de Wisigoths ou Ostrogoths : il y avait parmi ces peuples plusieurs groupes d'origine et structure différentes qui cherchaient à parcourir ensemble un bout de chemin et vivre en communauté un laps de temps.

Le besoin et la faculté d'intégration semblaient alors bien plus importants que de nos jours. La haine et la rivalité n'étaient pas si empreintes et n'empêchaient pas à deux groupes différents de s'unir pour mieux se défendre contre un éventuel ennemi.

La relation entre les Goths et les Huns n'a pas encore été étudiée, mais on peut imaginer que des liens entre ces deux peuples ont été créés et que des descendances en sont nées.
Cette réflexion pourrait également concerner d'autres peuplades.
(H. Schreiber « Sur les traces du peuple Goth » 1977 et A. Krause « L'histoire du peuple germanique » 2002)

De 1434 à 1436, De Sebond écrivit l'ouvrage le plus connu à l'époque du monde culturel « Liber creatuarum sive de homine » Michel de Montaigne le traduisit en francais en 1569.
Cet ouvrage fut approuvé par le Saint-Père Paul IV, plus tard en partie censuré par Pie IV.
(Montaigne « Apologie de Raimond Sebond » éd. Gallimard)

Nous ignorons si des ascendants de Sebond arrivèrent jusqu'en Espagne avec les Wisigoths. Un rapport direct avec le nom Serbond est surprenant, ainsi que le lieu de sa naissance Barcelone avec la région traversée par les Wisigoths : Raymond de Sebond mourut à Toulouse le 24 avril 1436.

Dans tous les cas, de plus amples recherches sont à envisager.

Remarquons toutefois les diverses graphies que connues Raymond de Sebond (Sebonde, Sabonde, Sabunde, Sebeyde, Sabiende, Sibinde, Sibiuda, Sevene)

Dans cet ordre d'idées, ne manquons pas de mentionner le chant de Waltari.
Waltari réussit à s'enfuir de la cour des Huns pour rejoindre sa patrie, l'Aquitaine. Il combattit contre Scaramund, qu'il tua, ainsi que l'oncle de ce dernier, le Comte de Metz.
Nous avons déjà rencontré le nom de Scaramund lors de la description de l'acte de la famille Sehrbunt.

« La Chanson de Waltari » du nom de Waltharius fut écrite par Eckart I, un jeune moine de l'abbaye bénédictine de Saint-Gall en Suisse. Cette légende est un conte fabuleux qui retrace le parcours des peuples au début de l'épopée germanique. (H. Althof « la Chanson de Waltari » Leipzig 1902)

Etrangement, c'est dans un autre recueil de légendes, l'Edda, que l'on retrouve un nom similaire : « Saemund » Brügger y vit un rapport direct avec le nom de Sermondi, alors que M. Künzle le dément. Toutefois, on ne peut pas nier la similitude du nom, surtout si l'on pense qu'en 1000 ans, les langues et par conséquent les patronymes dans différents pays n'ont pas dû se développer aussi considérablement que le prétendent les spécialistes linguistiques.

B. et P. Sawyer mentionnent le nom de Saemund (1056-1133) dans un recueil de légendes sur les rois norvégiens du 12ème siècle. Saemund (ici avec dt) également nommé « le sage » décrit en norvégien l'histoire de l'Islande depuis son invasion jusqu'en 1120. (B. et P. Sawyer « le monde des Wikings » édition Siedler 2002)

Tout cela peut être une pure coïncidence, comme souvent en généalogie, mais cela peut être pour les prochains recherchistes un indice tout à fait significatif.

La généalogie est passionnante. Parallèlement à la recherche de pistes et de faits réels, il est nécessaire de concilier fantaisie et force d'imagination.

A travers nos découvertes, la mémoire de nos ancêtres renaît ou du moins commence à se réveiller. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire. Grâce à l'informatisation, l'exploration dans le temps à la recherche d'éventuelles parentés peut désormais se réaliser plus rapidement.

Il est envisageable qu'un jour les données généalogiques dispersées dans le monde se retrouvent toutes regroupées dans un même programme informatique si bien que les arbres généalogiques et les liens seront directement perceptibles.
Parallèlement au développement de la recherche génétique et de son utilisation dans la généalogie, il me semble que l'unique perspective dans l'enquête sur nos ancêtres soit effectivement l'informatisation.

Bien entendu, cette technique ne peut remplacer nos efforts et notre zèle que nous exprimons agréablement par nos recherches à la découverte de nos aïeux.

L'enthousiasme ressenti à explorer une page de notre histoire est d'ailleurs le rôle le plus important de la généalogie, qui sans recherchistes passionnés ne pourrait pas exister.

A travers ce travail, on éprouve un sentiment divin comme le ressentit le saint-homme Escriva, auteur de « l'Opus Dei »
Notre ancêtre, le Père François de Bormio nous fait vivre, à travers son histoire, de merveilleux moments.

La généalogie est chaque jour un mode de « spiritualité »


Références littéraires : (voir version allemande)

Plusieurs ouvrages sont déjà cités tout au long du chapitre.

Voici d'autres noms d'auteurs et d'ouvrages :

A. FRIGG a écrit un ouvrage sur l'Antiréforme dans le Canton de Graubünden
K-H SPIESS « Nieder-Olm »
G. DORN et J. ENGELMANN « les batailles de Frédéric le Grand »
H. LORENZ « l'histoire de Quedlinburg » et un ouvrage sur l'histoire de l'administration, du droit civique et de l'économie de cette ville.

H. LADEMACHER « les Pays-Bas »
J.W. von ARCHENHOLTZ « l'histoire de la guerre de Sept-Ans »
M. KÜNZLE « les Moines Capucins de Suisse »
E. E. PLOSS « Waltharius »
G. KROHN a écrit une bibliographie sur l'histoire des troupes et des garnisons prussiennes.

 

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